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La population du Canada français se distingue depuis ses origines par un phénomène particulier appelé le « nom-dit »,
qui s’est dans plusieurs cas imposé comme nom parallèle, parfois principal voire unique, des familles dans la vallée du
Saint-Laurent. Le patriarche avait amené avec lui un nom de famille mais aussi une profession. Or l’appartenance à un
corps de métier s’est traditionnellement exprimée par un surnom oral dont la postérité du pionnier a conservé l’usage.
Sans être propre à la Nouvelle-France, ce trait anthroponymique importé d’Europe a trouvé dans la colonie laurentienne
des conditions propices à un mode de transmission généralisé et inédit : jusqu’au XXe siècle, les désignations d’un grand
nombre de familles ont jonglé par intermittence entre le nom civil et le nom-dit.
Le militaire a constitué environ la moitié des colons de l’ancien Canada et le « nom de guerre », type de nom-dit, a par
conséquent pesé sur l’enracinement de cette tradition. La préservation du nom de service par les soldats démobilisés,
devenus habitants, a trouvé dans ce voisinage continu un puissant facteur de renforcement. Son influence culturelle sur
la nouvelle société se devine dans l’extension de cet usage professionnel au reste de la famille dans les corps de métier
autres que les militaires, tels que les maçons ou les charpentiers. À l’instar du soldat, l’artisan d’Ancien Régime avait
coutume d’adopter au sein de sa profession un « nom de compagnon » qu’on perdait aussitôt revenu dans la vie civile.
Le peuplement neuf de la Nouvelle-France a plutôt favorisé la coexistence des noms et leur conservation parallèle.
La dualité largement répandue des noms de famille en a résulté, jusqu’à ce qu’un choix s’impose spontanément sous
les pressions de l’état civil moderne. Seuls de rares noms composés y ont échappé, tels Gérin-Lajoie ou Canac-Marquis.
Pierre Gendreau-Hétu a étudié la linguistique à l’Université de Montréal. Ses travaux de recherche aux cycles supérieurs
ont porté sur les systèmes d’écriture et leurs typologies historiques. Les questions d’onomastique ont par la suite retenu
l’attention de ce chercheur indépendant, notamment l’origine et l’évolution des noms de famille au Canada français.